Pour une éthique contemporaine (et
des valeurs pour permettre de trouver un sens à
sa vie) --------------------- I)
De quoi parle-t-on ? Différemment, l’éthique est la réflexion sur la morale,
elle est liée à une tradition contemporaine, humaniste, qui cherche à
améliorer la perception de la réalité par une attitude
« raisonnable » dans la recherche du bonheur pour tous. Cependant,
la distinction entre la morale et l’éthique n’est pas toujours si
contrastée et
l’ensemble regroupe globalement la sphère des valeurs et du discours
sur les
valeurs. Ces
valeurs, indispensables pour créer et structurer un minimum la vie
collective
et la vie sociale et nous préserver de la violence de la barbarie,
constituent un système essentiel de
l’identité individuelle indispensable à tout un chacun. II)
Regard de la psychologie clinique et de la psychanalyse En ce
qui concerne cette morale sexuelle traditionnelle de son temps, il la
condamne.
Il est partisan d’une vie sexuelle beaucoup plus libre. « Freud
change le
regard sur la sexualité. Aussi sera-t-il accusé par toutes les
religions, particulièrement le
catholicisme, d’être un
profanateur de la famille, un dynamiteur de la société, un démon
darwinien et
un obsédé sexuel. Pourquoi ? parce qu’il considère que la société
bourgeoise bride le désir sexuel. Au lieu de pointer du doigt
l’anormalité, il
va montrer que tous les conflits à l’origine de l’être humain sont au
départ
sexuels et liés au désir » (Elisabeth Roudinesco 2009). L'homme
doit comprendre que c'est lui, et non des instances divines, qui a créé
les
lois et les commandements de la morale pour son propre intérêt. Les
sciences
humaines, et spécialement la philosophie, sont des sources
d’inspiration
capables de remplacer avantageusement les traditions et la religiosité
dans
leurs rôles de créateurs d’une éthique contemporaine.
Freud affirme le lien étroit entre le
développement de la civilisation et de l'individu. Il a été le premier
et
jusqu’à présent le seul parmi les psychanalystes à avoir mené pendant
trente
ans une réflexion sur la morale. Lorsque
la morale est inadaptée, elle se soucie fort peu du moi : elle
édicte un
commandement sans se demander s’il est possible de l’observer. La
sexualité en
paie un lourd tribu, la satisfaction compensatoire est une satisfaction
narcissique qui est en droit de se considérer comme meilleur que ne
sont les
autres. Ce système s’étaye sur un système de contraintes créant des
pressions,
de la violence et un déchirement du tissu social existant. Déjà
il y a un siècle, Freud déclarait que l’on ne peut pas exiger de
l’homme une
trop grande sublimation de ses pulsions, sans quoi on fait le jeu de la
désintrication, au plus grand bénéfice de la pulsion de mort. Les
exemples sont
nombreux où l’on voit que les entreprises ou les institutions diverses
exigent
toujours plus de l’homme et se fait son ennemie de son bonheur
personnel, de sa
libido et de ses désirs de couple. « Le
Psychanalyste ne peut plus rester, de nos jours, dans son cadre neutre
et
confortable, sa tour d’ivoire en retrait du monde, et analyser les
transferts individuels
sans se sentir concerné par les projections idéologiques de la société
sur la
psychanalyse elle-même, à travers les images caricaturales et les
questions qui
lui sont posées par les médias. D’abord, parce qu’il ne se contente
plus de
recevoir des patients névrosés, bien insérés socialement et peu
malades, comme
autrefois, et que les sujets-limites (au limite de la folie) sont les
plus
vulnérables aux crises idéologiques de la société. Ces patients au
narcissisme
fragile sont avides de certitudes idéologiques, car ils investissent le
Surmoi
collectif et les idéologies comme un étayage pour leur Surmoi
individuel
inachevé et leurs carences représentatives. » (François Duparc). « le
Psychanalyste doit acquérir une connaissance des idéologies dans
lesquelles il est inscrit sans le savoir
ou sans le
vouloir par sa propre culture, son histoire et sa formation théorique
personnelle. Comme le contre-transfert, l’idéologie dans laquelle on
baigne est
souvent inconsciente et demande un travail pour être mise au jour,
déjouant le
confort de l’illusion et de la banalité » (Le Guen)
b) Les nouvelles pathologies
mentales Les
psychothérapeutes et les psychanalystes constatent au quotidien les
carences ou
la confusion des valeurs chez nombre de leurs patients, certains même
peuvent
être considérés comme « malades des idéaux ». Face à
la difficulté de trouver un sens à leur vie, certains restent dans
l’oisiveté,
l’aide sociale, d’autres demeurent dans un vide existentiel propice au
développement de pathologies diverses. Ce que
les psychanalystes nomment l’idéal du moi ne se confond pas avec la
définition
des systèmes de valeurs mais l’idéal du moi sera lié à la conscience
morale et
la crise actuelle des valeurs interfère sur la mise en place et sur la
force de
l’idéal du moi. L'idéal du moi se présente comme "celui que j'aimerais
être", c’est l’introjection des parents idéalisés (souvent complétée
par
un éducateur ou un maître estimé). Cette instance a un rôle très
positif dans
l’énergie quelle apporte, capable de dynamiser l’individu vers des
actions
souvent sociales, c'est-à-dire du désir
d’être grand qui a quelque chose à voir avec la définition
Nietzschéenne du
surhomme et de la volonté de puissance. L’idéal
du moi a un rôle important pour la compréhension de la psychologie
collective,
c’est un concept charnière entre l’individuel et le collectif. Contrairement
au surmoi qui juge pour condamner et vient souvent inhiber ou
restreindre les
désirs, l’idéal du moi peut, par contre, être un moteur d’excellence
irremplaçable à la réalisation de chacun. A
l’opposé, un surmoi excessif, « sadique » réprime tellement
les
pulsions qu’après avoir produit de l'agressivité contre ceux qui en
sont à
l'origine, se retourne contre le sujet et génère de la culpabilité et
de
l'angoisse. Plusieurs
travaux de recherche tant en France qu’à l’étranger ont été consacrés
au rôle
de l’idéal du moi dans la dépression névrotique et mélancolique. Voir
Francis
Pasche, Edith Jacobson et bien sûr Janine Chasseguet-Smirgel sur la
maladie
d’idéalité où l’idéal du moi est l’élément central. Bien
qu’il n’existe aucune structure psychique profonde et stable spécifique
à l’addiction,
n’importe quelle structure mentale peut conduire à des comportements
d’addictions (visibles ou latents) dans certaines conditions de manques
et
d’insatisfactions. L’addiction
est une tentative de défense et de régulation
contre les déficiences ou les failles occasionnelles de la structure
profonde
de la personne. Mais cette tentative de soulagement est rapidement
limitée, car
une autre souffrance intervient alors, c’est la dépendance. Certes la
dépendance aux additions n’est pas seulement contemporaine mais elle
s’est
largement développée depuis ces dernières décennies. Le
public venant consulter des « psy » s’est largement multiplié mais
avec
des questions souvent de bon sens auxquelles ces patients ont
difficulté à
répondre eux-mêmes spontanément et il n’est plus rare de voir des
professeurs
de philosophie devenir praticiens en
proposant des consultations pour aider ce public en
recherche de repères. La
profusion de ces nouvelles pathologies rend le cadre psychanalytique
classique
souvent peu adapté, ainsi de nombreuses formes de psychothérapies
voient le
jour.
c) L'évolution des moeurs et de
la sexualité Les
pratiques sexuelles, la recherche des partenaires, les mariages, les
moeurs,
représentent l'identité d'une société. Cette éthique qui régit tous ces
comportements n'est donc pas la moindre, voyons son évolution. Les
trois religions monothéistes, et tout spécialement la religion
catholique,
posèrent des systèmes de valeurs et des interdits puissants pour
empêcher
l'homosexualité, l'amour libre et organiser les couples et les familles. Pour
les religieux, la pratique sexuelles est même carrément interdite dans
la
religion catholique, montrant là l'idéal de pureté. La logique du Dieu
unique
et de de la transcendance est de canaliser la pratique sexuelle et de
la
sublimer au profit de l'admiration pour le seigneur au détriment de
l'intérêt
et de l'admiration envers le partenaire ou le conjoint qui apporte
alors la
jouissance. Le
corps lui-même est désinvesti, mortifié comme le corps du Christ
supplicié qui
représente un rapport si particulier au corps humain. Ce Christ est
victime de
nos péchés, de la bêtise, de la
méchanceté des humains. Comment, dans
ces conditions, jouir avec ce corps qui devient difficilement
accessible à la
sensualité ? La
logique de la sainte conception, comme la vierge Marie, contribue au refoulement et à
l'inhibition du registre phallique et de la
volonté de puissance réservés au dieu
tout puissant et donc déniés aux communs des mortels. Dès le début du
christianisme (deuxième moitié du IIe siècle), l'abstinence sexuelle
est
pratiquée, et vivre abstinent est se rapprocher de Dieu dans l'espoir
de s'unir
à lui. La
pensée antique est caractérisée par le dualisme du corps et de l'âme ;
la
pensée chrétienne, elle, est caractérisée par le dualisme du corps et
de la
chair. Il se
dégage un double idéal : -
celui du mariage chaste avec seulement une sexualité limitée à la
conception
d'enfants -
celui de l'abstinence angélique réservé aux élus de la vocation, aux
saints, ce
deuxième idéal étant valorisé comme supérieur au premier mais, dans les
deux
idéaux, l'inhibition sexuelle se trouve très présente. Le 20e
siècle apporta sa révolution, tout spécialement dans les années 70, poussée par la contestation étudiante et
aidée par l'arrivée des technologies et les reconnaissances de droit de
l'avortement et de la contraception. L'institution
du mariage est alors attaquée de toutes parts. La pratique
contemporaine (tout
spécialement dans les grandes villes) tend à étendre et à généraliser
le
mouvement amorcé. Le Pacs nouvellement créé, à l'origine pour les
unions
homosexuelles, est adopté par de nombreux jeunes couples hétérosexuels.
Le
nombre de pacs va rejoindre le nombre de mariages à Paris.
Le nombre de divorces augmente pour dépasser
50% des mariages (pour atteindre même les 2/3 dans les grandes
capitales
occidentales). La
double exigence contradictoire, à savoir aimer et rester libre, devient
le
dilemme contemporain. Comment concilier l'amour et la passion qui
attachent à
la liberté qui sépare ? d)
Règles du jeu dans le couple
contemporain La
thérapie de couple est la forme de psychothérapie qui
connait actuellement l'évolution la plus
rapide. Elle correspond à une attente des couples contemporains, à
savoir : des
questionnements et des confusions. La synthèse de nombreuses
problématiques
montre qu'il existe un paradoxe majeur : comment concilier la morale
classique
de l'engagement définitif non résiliable et fidèle à l'éthique actuelle
qui
accepte la remise en cause et attend la qualité, la performance et le
bonheur
permanent. Lors
de la recherche du partenaire, et ensuite pendant la phase d'évaluation
où
chacun se questionne sur la durabilité de la liaison engagée, l'enjeu
est
considérable. Le jugement ne se cantonne plus à savoir si les positions
sociales sont compatibles et acceptables par les familles mais aussi de
savoir
si la qualité du désir, le potentiel de réalisation, la sociabilité,
l'empathie, la sensibilité, la possibilité d'être un bon parent, sont
conciliables et pour cela sont évalués longuement avec une complexité
qui
repousse l'installation du couple à la trentaine, voire souvent au-delà. Ce
n'est pas seulement l'excitation physique qui nous fait désirer et
choisir son
(ou sa) partenaire, mais également la conscience des manques personnels
que
l'on peut ressentir. Cette complémentarité est un élément puissamment
fédérateur « j'admire ce que je ne possède pas et qu'il (ou elle)
possède
avec talent et qu'ensemble ainsi nous pourrons réaliser de grands
projets ». C'est dans cette logique que les psychothérapeutes de
couple
soulignent le rôle déterminant du mythe fondateur du couple. Dès la
naissance du couple, le positionnement de chacun entre dans le jeu
amoureux.
Les conflits de pouvoir, les arrangements
sexuels, les prises en main des tâches sont des sujets de
discussions et de confrontations pas toujours faciles à régler. Les
conceptions du couple étant nombreuses et variées, elles doivent
s'entendre et
se négocier au prix de certains renoncements mais avec imagination et
en
correspondance avec la personnalité des partenaires. Les
désirs, pour se satisfaire, établissent des stratégies en bonne partie
inconscientes et entrent en jeu dans une logique où la séduction doit
être
dominante pour éviter la contrainte et bien évidemment la violence. Grâce
à une éthique raisonnée et esthétique, les couples contemporains
offrent une
place grandissante à la sensualité, à l'imagination et à la
personnalisation. Ces
observations actuelles sont fondamentales puisqu'elles montrent que
nous sommes
passés d'un système d'une morale globalisante à un système éthique que
l'on
peut appeler « une éthique de consentements mutuels ». Ces
consentements,
ces contrats passés entre les partenaires sont diversifiés
et ne manquent pas d'étonner ceux qui restent inscrits dans
les traditions. "Les
règles du jeu ont changé mais les règles d'autrefois sont encore
opérantes,
c'est la superposition de ces différents repérages qui explique notre
désorientation actuelle tout est caduc, tout est pertinent." Pascal
Bruckner
Profitons
de l’occasion pour préciser ou corriger quelques idées répandues plus
ou moins
éloignées des idées originales de ces philosophes : Socrate
était le modèle de la sagesse antique, il prônait la cogitation,
l’humilité,
l’acceptation de l’ignorance et le respect du droit de la cité. Dans la
période
contemporaine soumise à la toute puissance des émotions, il est utile
de
rappeler la position de Socrate : « Les sens
importunent le
penseur et l'Homme moral en l'incitant à la passion, à la colère, au
plaisir
immédiat. Il faut s'en affranchir autant que possible : c'est la
condition
première d'une connaissance possible et d'une véritable moralité ». La
philosophie contemporaine engage le débat entre la transcendance et
l’immanence. Platon fut le précurseur de la transcendance, il défendit
la
thèse, selon laquelle les "meilleurs" doivent gouverner, parce qu'il
conçoit la politique comme une sorte de rédemption, d'éducation. Celui
qui
gouverne doit éduquer le peuple, ignorant, au bien, et cela parce que,
seul, il
a la connaissance du bien. La tâche première du politique n'a donc rien
à voir
avec la gestion (administrative et économique) des affaires communes.
Il
s'occupera avant tout de rendre les hommes meilleurs, il cherchera à
convertir
la cité humaine aux valeurs transcendantes. La politique a donc une
fonction
idéale. Par ailleurs, la théorie de l’amour platonique, développée de
nombreux
siècles plus tard, n’est pas fidèle à la pensée de Platon. Le
concept de l'amour platonique est une dérive sémantique éloignée de la
pensée
de Platon, ce concept engageant la chasteté davantage par peur de la
punition
divine que par amour philosophique. Pour sa part, PLATON accordait une
place
naturelle aux relations charnelles expliquant que la sexualité est
nécessaire
pour avancer sur le chemin menant à la vérité. Dans
le langage courant actuel, l'image de l'Épicurien est
celle du jouisseur de la bonne chair et
du sexe, la jouissance sans limite, elle ne correspond pourtant pas à
la
théorie épicurienne. Pour certains, le Jardin d’Epicure était un lieu
de
débauche, mais de telles idées semblent largement excessives et cette
renommée
bien éloignée de la théorie épicurienne. La vie
que mena Epicure dans son jardin fut simple et frugale, il était
végétarien, un
verre de vin lui suffisait, et il buvait de préférence de l'eau, il
professait
et pratiquait un hédonisme ascétique. La gestion
« intelligente » de
la sensualité tenant compte du désir et du consentement de son
partenaire
permet de donner à la sensualité une vraie place vertueuse et indispensable à la vie. L’épicurisme
désigne la terre ici et maintenant comme lieu où le bonheur doit être
recherché. Pour y accéder, satisfaire d’une façon raisonnée les
plaisirs dans
le cadre d’une vie sage, tempérée, contemplative et vertueuse. Epicure
enseigne
que ce ne sont pas les beuveries continuelles qui rendent la vie
heureuse, ni
les plaisirs des débauchés ni les jouissances matérielles, mais au
contraire
une raison vigilante qui cherche minutieusement les motifs de ce qu’il
faut
choisir ou éviter. L’épicurien respecte les vrais besoins de la nature
et
refuse ce qui en dépasse les limites. La modération est une vertu
importante.
Le choix de vivre sans troubles, l’ataraxie, implique le respect des
lois pour
éviter les sanctions de la société qui veut protéger ce qui est utile.
Le droit
et le plaisir sont basés sur l’intérêt
mutuel et la réciprocité, avec une attention particulière pour que la
satisfaction des désirs se fasse dans le respect des désirs de ses
partenaires. La tradition parle
du tétrapharmacon épicurien, quadruple
remède évoqué dans la lettre d’Epicure à Ménécée : - on ne craint pas
les dieux - on ne craint pas
la mort - on peut
atteindre le bonheur - on peut
supporter la douleur Aujourd’hui, la vie moderne et sa communication intense
nous encombre d’informations souvent contradictoires, sans réel intérêt
et
parfois extrêmement éphémères. L’influence
de la publicité commerciale, de la propagande politique, des lobbyings
nous
obligent à la prudence et le scepticisme
est une notion à réhabiliter. Protagoras
affirme que sur tout sujet, on peut opposer des raisons contraires.
Socrate
affirme que tout ce qu'il sait, c'est qu'il ne sait rien (belle
humilité du
savoir qui n’est guère de mise aujourd’hui). De
nombreux aspects de ce qui s'appellera plus tard le scepticisme
imprègnent
ainsi la civilisation de la Grèce.
Si une
bonne part des fondements de notre civilisation sont dans les acquis de
la
Grèce antique, notre civilisation fut marquée profondément par le
développement
de la religion chrétienne. Le renoncement plus ou moins prononcé à la
sexualité
a été très tôt une caractéristique fondamentale du christianisme, ce
renoncement est porté par les idées de continence, de virginité, par
l’esprit
de sacrifice mais également par la réorientation du désir de l’homme
vers Dieu. La
personnalité et le rôle de Paul de Tarse seront déterminants dans le
positionnement de la chrétienté envers la sexualité, le rôle de la
femme, du
couple et l’organisation familiale. Repris
par l’empire romain, ce système de valeurs fut utile à son unité et à
son
expansion. Le monothéisme avait des vertus d’ordre, d’unité et de
reconnaissance de l’autorité. D’une
façon lente, progressive, irréversible, ces fondements seront
spécialement en
France remis en cause; le siècle des lumières, la révolution française,
l’installation de la laïcité seront des étapes déterminantes. L’aspiration
à plus de justice, l’abolition des privilèges, l’émancipation des
peuples ont
représenté de telles énergies que rien n’a pu les arrêter. Liberté,
égalité,
fraternité seront les valeurs de la république. L’église essaya de
composer en
évoluant sous la pression des érudits mais surtout des mouvements
populaires,
cette évolution devint plus difficile lorsque ses fondements mêmes
furent remis
en cause. La
finalité de la morale spinoziste est exposée dans l’"Ethique" que
Spinoza a dû renoncer à publier pour des raisons de sécurité. Il oppose
aux
faux sentiments et comportements (crainte, honte, tristesse…) les vrais
sentiments basés sur des idées positives (joie, amour, béatitude)
dirigés par
l’entendement. Partager la vraie connaissance permet de profiter de la
vie en
chassant les idées tristes de la haine, de la vengeance et de la mort. Emmanuel
Kant, soutient dans "Critique de la raison pratique" (1788) qu'une
action est moralement bonne si elle s'accomplit par pur respect du
devoir sans
considération pour un intérêt ou une satisfaction espérée. La moralité
se
mesure donc dans l'intention qui conduit à l'action et non sur son
aspect
extérieur. La loi morale s'exprime sous forme d'un devoir impératif
("tu
dois") tel qu'il puisse être érigé en règle universelle. Dieu, la
liberté
de la volonté et l'immortalité de l'âme ne sont pas du domaine de la
connaissance mais des postulats nécessaires à la raison pratique en
tant
qu'exigence rationnelle de la morale. Pour le philosophe allemand,
l'existence
de Dieu est donc une nécessité morale. Sa morale, cependant, ne se
fonde pas
sur la religion mais sur l'autonomie de la volonté. Nietzsche
rejette les critères traditionnels du bien et du mal et s'en prend
violemment à
la morale chrétienne qui valorise la pitié et l'humilité. Le
moralisme n'est qu'une mièvrerie bien pensante, dans un contexte où le
bon est associé à l’exaltation. Ce moralisme dénoncé
par de nombreux philosophes est cependant l'arme favorite de nombreux
traditionalistes et religieux, tout spécialement des intégristes
appartenant
aux religions monothéistes. Le moralisme aboutit inéluctablement au
conflit, à
la violence et au final au terrorisme qui est un retour évident à la
barbarie. Selon Nietzsche c'est la moraline, avec son expression célèbre : « l'éternel retour de la moraline », Dans
la Généalogie de la morale (1887), Nietzsche
considère la morale, comme la "morale des esclaves",
c'est-à-dire un renoncement à la vie et un refoulement des instincts
qui
conduit à la servilité et à l'ascétisme, permettant aux plus faibles de
prendre
la place des plus forts. Il l'oppose à la "morale des maîtres",
c'est-à-dire des hommes libres, qui affirme des valeurs héroïques et
prône le
surpassement de soi à travers la volonté – La volonté de puissance –
bien
entendre que cette volonté de puissance
n’est pas une volonté d’écraser les autres. Le "bon" est associé au
"noble" et être "méchant" un signe d'infériorité. Cette
« volonté de puissance » peut être entendue par la
psychanalyse comme
une valeur essentielle à la vie, une énergie libidinale de liaison et
d’investissement. Oeuvre du registre phallique, elle peut apporter
énergie et accomplissement
de soi. Cette valeur noble et conséquente n’est-elle pas une excellente
antidote à la dépression ? Elle n’est pas un simple vouloir de pouvoir
ni une
pulsion auto-conservatrice ou de « faire-valoir », certes la
puissance n’est pas le dernier mot du désir qui peut s’exprimer
par
d’autres voies, le tout est de lui attribuer sa juste place dans
l’économie
pulsionnelle. Ce
concept place Nietzsche comme un des précurseurs de la psychanalyse et
dont
l’influence complexe sur Freud reste
mystérieuse.
c) Positionnement de la
philosophie contemporaine
D’autre
part l’exigence morale est omniprésente dans l’œuvre d’Albert CAMUS qui
ne
cesse de s’interroger sur le rapport de l’homme à la société. Camus
critique la
morale intransigeante qui place la personne en juge de l’autre
« morale
contre moralisme » ou éthique contre les excès de la morale. Il
aimait
résumer son roman « l’étranger » par cette phrase célèbre
« celui qui ne pleure pas le jour de l’enterrement de sa mère est
condamné
à mort par la société » Dans ce roman, le personnage de Meursault
est jugé
et condamné à mort non parce qu’il a tué
un arabe (ce qui était fréquent pendant cette période trouble de
l’Algérie
française) mais par son immoralisme supposé à l’endroit de sa mère mais
aussi à
l’endroit de son incroyance en Dieu. Camus s’appliquait à débusquer les
impostures religieuses ou politiques, obsession à rechercher les
risques de
mensonges. Malgré
son prix Nobel, il fut longtemps mis à l’index de l’université
française
largement sous influence sartrienne, sa volonté de démasquer les
dérives
communistes des années 50 lui valut des critiques vives de son œuvre et
de sa
quasi censure. Jean-Paul
Sartre, Simone de Beauvoir et le mouvement existentialiste centrés sur
la
critique des valeurs de la bourgeoisie confirmèrent la nécessité
d’élaborer des
idéaux résolument en rupture avec ceux existants, les valeurs
reconnaissant la
liberté ne s’enracinent que dans des choix individuels, à chaque
instant
révisables.
Radicalement
athée, Michel Onfray rappelle les fondements des religions « Le
propre de
toutes les religions est de récuser le discours rationnel,
philosophique, au
profit d’une pensée magique dans laquelle tout est intellectuellement
permis.
L’obscurantisme fait la loi dès le début, car l’essence de la religion
c’est le
déni de la mort et l’affirmation qu’après sa venue nous vivons encore,
sous une
autre forme, certes, mais que nous persistons, et ce pour une vie
éternelle. A
partir de ce mensonge fait à soi-même, tout devient possible. Et l’on
sait
combien un mensonge originaire oblige ensuite à une série d’autres
mensonges
destinés à légitimer le premier. » Il
propose de réconcilier l'homme avec son corps, machine sensuelle, et
de bâtir une éthique fondée sur l'esthétique et le respect de l'autre
avec sa
différence. Le XXe
siècle, avec la légalisation de l’avortement, de la contraception, la
reconnaissance du divorce, nous amena à un point de non retour. Ces
lois
nouvelles entrent en conflit profond avec les lois des trois religions
monothéistes. Première pierre de l’édifice, le décalogue ne peut plus
assurer
de nos jours son rôle de référence sérieuse ; comment, dans ces
conditions, l’édifice peut-il se maintenir sans une reconstruction
complète ? Dans
notre siècle numérique actuel, l’accès à l’information, à la
communication, est
tellement prodigieux qu’il n’est pas aisé d’en prendre véritablement
conscience
ici et maintenant et encore moins aisé d’émettre des idées prospectives
d’avenir. Notre
possession de tous les acquis précédents
peut être tellement fine et complexe que nous constituerons comme
certain la
nomme « la civilisation des civilisations ». Doit-on parler
de manque
des valeurs ou de trop de diversités dans celles-ci ? « La
libération au moins partielle de l’individu n’a pas placé celui-ci
devant le
rien du nihilisme philosophique, mais au contraire devant ‘un
trop’ : les
modèles qui se présentent à lui sont nombreux. L’individu peut se
tourner vers
le passé (catholicisme évangélique, intégrisme, conversions au
bouddhisme, à
l’islam, communautarisme, sectes…) ; il peut s’enflammer pour le
romantisme révolutionnaire de l’ultra gauche, s’engager dans les
combats de
l’altermondialisation ou plus simplement et plus généralement, adhérer
aux
thèses de l’idéologie marchande, du new age, du développement
personnel. Il
peut aussi revendiquer sa singularité et chercher refuge dans un groupe
(gay,
deep ecology, etc…) »
Gérard MENDEL 2004 -------------------------------
Selon
Frédéric Beigbeder auteur à succès censé représenter une certaine
partie
de la société qui se
détachent sont des
repères irremplaçables à savoir : le scepticisme, le stoïcisme et
l'épicurisme.
La philosophie épicurienne offre le trésor d'une philosophie efficace
et
puissante qui apporte des réponses simples et concrètes à cette
recherche du bonheur,
cette philosophie propose une pensée facile à saisir et d'un usage
réel. Les
principaux penseurs : Démocrite (460-370) Epicure (342-271) Lucrèce
(98-55)
Philodème de Gadara (110-40) V)
Conclusion D’une
façon classique, la reconnaissance des idéaux qui allait de soi il y a
encore
quelques décennies n’est plus évidente dans ce XXIe siècle qui
commence.
Poussée par un mouvement de fond sans précédent, la liberté sexuelle
nouvellement acquise, la recherche du bonheur pour tous, l'hédonisme
contemporain fait éclater le système de valeurs existant. Comment
discerner
actuellement les idéaux universels qui ont toujours leur raison d’être,
de
ceux, caduques qui n’ont plus à être honorés ? Comment aider à
l’émergence
de nouvelles valeurs en accord avec notre temps et préparer
l’avenir ? L’affaiblissement
des valeurs morales traditionnelles représente-t-elle un danger majeur
ou bien
une opportunité favorable à la consolidation des valeurs humanistes, à
l’installation de nouvelles valeurs hédonistes, esthétiques, sociales
écologiques, pour vivre mieux ? Construire
une éthique contemporaine est un très vaste chantier plus que jamais
d'actualité dans cette période riche en bouleversements technologiques,
économiques et humains. Ecrire, multiplier les lieux d'échanges,
utiliser les
connaissances actuelles des sciences humaines, intervenir dans le débat
politique sont des nécessités. Tout
retard dans cette construction d'une éthique conduira au retour d'une
morale
caduque car la nature ne supporte pas
plus le vide dans ce domaine que dans d'autres. Le vide et
l'inadéquation de l'éthique laisse la porte
ouverte à la corruption, à la violence, à la souffrance physique et
mentale de
bon nombre d'entre nous. Cette
construction est tellement urgente et indispensable qu'une prise de
conscience
aidera à la mise en place de ce processus nécessaire. Cette
construction d'une éthique contemporaine dispose de tels moyens
capables de
comparer nos expériences passées, de synthétiser nos attentes actuelles
et de
créer une nouvelle donne, nous pouvons être optimiste et ne pas douter
du
résultat. Elle ne doit pas être l'oeuvre
de quelques prêcheurs illuminés ou
démagogues
en recherche de toute puissance mais l'oeuvre de tout un chacun à son
niveau de
réflexions et de compétences. Gérard VIGNAUX Mai
2010
Bibliographie : - Dictionnaire d’éthique et de philosophie
morale Monique
CANTO-SPERBER (2 tomes PUF) - La philosophie morale
Monique CANTO-SPERBER et Ruwen OGIEN
- L’idéal du moi (essai
sur
la maladie de l’idéalité) Janine
CHASSEGUET-SMIRGEL éditions universitaires - Petit traité des grandes vertus
André COMTE-SPONVILLE - Vie et mort des idéologies
François DUPARC revue française de psychanalyse PUF - La morale Eric BLONDEL GF Flammarion - Esquisse d’une morale sans obligation ni
sanction Jean-Marie GUYAU - Totem et tabou
Sigmund
FREUD Payot - L’avenir d’une illusion
Sigmund FREUD PUF - La morale sexuelle « civilisée » – dans la vie sexuelle-
Sigmund FREUD PUF - Epicure Julie GIOVACCHINI
éditions belles lettres - Construire le sens de sa vie –une
anthropologie des
valeurs- Gérard MENDEL
éditions la
découverte - Histoire de l’autorité
Gérard MENDEL - Le philosophe, le patient et le soignant Robert MISRAHI - Généalogie de la morale
Friedrich NIETZSCHE - Ainsi parlait Zarathoustra
Friedrich NIETZSCHE - L’éthique aujourd’hui – maximalistes et
minimalistes- Ruwen OGIEN Folio
essais - La morale a-t-elle un avenir
Ruwen OGIEN Pleins feux - La sculpture de soi –la morale de soi- Michel ONFRAY
livre de poche - Les sagesses antiques –contre histoire de
la philosophie- Michel ONFRAY - la pensée éthique contemporaine Jacqueline
RUSS et Clotilde
LEGUIL - Ethique de Baruch SPINOZA - Questions d’éthique contemporaine sous la
direction de Ludivine
THIAW-PO-UNE |