Contribution au débat sur l'euthanasie

et le suicide assisté


INTRODUCTION

Plus encore que d’autres débats de société, les questions de fin de vie doivent être abordées sereinement sans fausse pudeur et sans évitement pathologique. Les différents positionnements sont respectables et il est vraiment préférable que la réflexion de chacun se fasse à des moments de la vie où la pleine possession de nos capacités mentales permet de déterminer un avis représentatif de notre personnalité, de nos croyances ou de notre libre pensée.

Le système actuel tient peu compte de nos particularités et de notre choix personnel et place souvent les médecins et les équipes médicales dans des dilemmes difficiles à résoudre. Le corps médical est formé et expérimenté pour sauver la vie de toutes personnes en difficultés. Ce personnel très spécialisé pourrait être accusé d’avoir failli dans d’autres gestes discutables si l’expression du désir de tous n’est pas déterminée (autodéterminée) préalablement aux situations dramatiques lorsque notre vie est sur le point de se terminer.


LES PRATIQUES CHEZ NOS PROCHES VOISINS EUROPEENS

En Belgique

L’euthanasie et le suicide assisté sont strictement réglementés : la loi de 2002 relative à l’euthanasie régit l'acte d'euthanasie qui est reconnu comme un droit pour chaque malade à poser ses choix en termes de vie et de mort pour autant qu'il se trouve dans les conditions édictées par la loi.

Chaque citoyen peut exprimer des intentions et des refus en matière de soins de santé et de fin de vie dans le cas où il ne serait plus en état de manifester clairement sa volonté (coma, par exemple) en rédigeant ce qu'on appelle une "déclaration anticipée de volonté". Cette déclaration peut aussi désigner une ou plusieurs personnes de confiance qui, le moment venu, mettront au courant le médecin traitant de la volonté du patient. Le patient peut à tout moment retirer ou adapter sa déclaration anticipée de volonté. Elle ne sera de toute façon exécutée que si le patient est atteint d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, qu'il est inconscient et que son état est jugé irréversible. En dehors de cette déclaration anticipée, une euthanasie peut être pratiquée à la demande expresse du patient au moment où il est encore en état d'exprimer sa volonté actuelle de mourir. Cette demande doit être faite par écrit, datée et signée. Elle peut être rédigée par une tierce personne en présence du médecin si le patient n’est pas capable d’écrire (paralysie, par exemple).

Des conditions précises sont exigées : être majeur, être conscient, posséder la réflexion sans pressions extérieures, se trouver dans une situation médicale sans issue, ou bien à l’occasion d’une affection accidentelle grave et incurable.

Aucun médecin n’est obligé de pratiquer l’euthanasie. C’est au patient qu’il revient de trouver un médecin qui accède à sa demande après avoir vérifié la régularité de la situation. La responsabilité du médecin est engagée dans un acte d'euthanasie. En cas d'irrégularité, la Commission de contrôle et d'évaluation qui vérifie si l'euthanasie a été pratiquée dans le respect des conditions légales, peut transmettre le dossier à la justice.

Une chaîne de 250 pharmacies en Belgique a annoncé être capable de fournir un kit spécial au prix de 60 Euros permettant de répondre à ce problème : du Penthotal, un puissant hypnotique utilisé en anesthésie et du Norcuron, un neuromusculaire utilisé en milieu hospitalier. Ce coffret ne sera délivré qu'à un médecin qui sera tenu de rapporter à la pharmacie les doses de médicaments excédentaires, compte tenu de leur dangerosité. La loi encadre strictement cette pratique qui n'est envisageable que si le patient « se trouve dans une situation médicale sans issue «  , affligé d'une « souffrance physique ou psychique constante et insupportable » faisant suite à une « affection accidentelle ou pathologique incurable ».

En Suisse,

le code pénal autorise l'assistance au suicide, à condition que celle-ci ne soit pas motivée par un "mobile égoïste". L'assistance au suicide (ou suicide assisté) se distingue de l'euthanasie car elle désigne le fait de fournir à une personne les moyens de se suicider. La mort n'est donc pas déclenchée par un tiers mais par le patient lui-même. Deux grandes associations proposent d'aider ces personnes déterminées. Exit, qui ne s'adresse qu'aux Suisses, et Dignitas, qui accueille aussi des étrangers. Mais l'euthanasie passive (renoncement aux traitements médicamenteux, interruption de l'alimentation ou de l'hydratation artificielle ou administration d'opiacées ou de sédatifs à haute dose) est très répandue en Suisse.

En Hollande
Premier pays européen à avoir légalisé l’euthanasie en 2001. Comme en Belgique, une substance létale peut être légalement administré par un médecin, en cas de maladie incurable ou de souffrance intolérable, à des patients l’ayant demandé en toute conscience.

Près de 1.900 personnes ont été euthanasiées en 2006, soit 1,4 % des morts recensées, dans 20 % des cas, l’euthanasie n’est pas déclarée, à cause d’un processus bureaucratique trop lourd. Le nombre d’euthanasies, par ailleurs, va en baissant. En revanche, les sédations palliatives ont augmenté de 11% entre 2001 et 2005. Ces soins, qui ne nécessitent pas d’autorisation spéciale, consistent à plonger le patient dans un profond sommeil et à ne plus l’alimenter, pour laisser la maladie l’emporter. Plus de 9 600 cas de sédation palliative ont ainsi été déclarés en 2005, soit 7 % de toutes les décès.

En Allemagne

Le mot euthanasie reste tabou en Allemagne, à cause des atrocités commises pendant la période nationale-socialiste. On emploie donc l'expression «Sterbehilfe»   (aide à la mort). La jurisprudence et la loi reconnaissent au malade incurable le droit de refuser des soins. L'arrêt des soins est considéré comme justifié si le malade a demandé clairement qu'on ne le maintienne pas en vie. De même, si un médecin pratique un acharnement thérapeutique sur un patient qui a clairement demandé le contraire, la législation allemande considère cet acte comme une infraction. En revanche, administrer un médicament mortel à un patient reste un homicide. . En Allemagne, la position de la chambre fédérale des médecins qui veut formellement interdire aux médecins de pratiquer l'euthanasie est rejetée par 79 % de la population.

La loi permet au patient, pour le cas où il ne serait pas en mesure de l’exprimer, de prévoir par écrit les traitements qu’il autorise et ceux qu’il refuse, alors même qu’au moment où il exprime sa volonté, aucun traitement ou intervention n’est envisagé. Sur le fondement de cet écrit, l’assistant ou le mandataire du malade est chargé de vérifier, lorsque celui-ci n’est plus en état d’exprimer sa volonté, si les dispositions qu’il a prises correspondent à ses conditions actuelles de vie et de traitement. Par contre, si les souhaits manifestés sont trop éloignés des circonstances réellement vécues par la personne malade, les directives anticipées perdent leur caractère contraignant. C’est alors l’analyse de la volonté présumée de la personne qui prend le relais, la loi précisant que les souhaits du patient doivent être recherchés à partir de données concrètes telles que les déclarations écrites ou orales qu’il a pu faire ou ses convictions éthiques ou religieuses.


En Espagne

L'euthanasie passive et l'assistance au suicide ont été dépénalisées en 1995. Les professionnels du corps médical ont l'obligation de respecter la volonté des patients, même si cela peut entraîner leur décès. La loi reconnaît la valeur contraignante des directives anticipées. Leur existence doit être indiquée sur le dossier médical du patient et sur un fichier national. Le consentement aux soins peut être donné par un tiers : un membre de la famille, un proche ou le représentant légal.



Plus généralement En Europe,

Tous les sondages montrent qu’une très large majorité de la population (environ 80%) est en faveur du suicide assisté. Dans une certaine mesure, l'opinion de toutes ces personnes correspond à celle de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg. Le 20 janvier 2011, cette dernière a en effet jugé le droit de décider soi-même du moment et de la façon dont on souhaite mourir comme principe du droit à l'autodétermination, protégeant ainsi les droits de l'homme. Les lois doivent donc évoluer rapidement pour se mettre, d’une part, en conformité avec la cour européenne des droits de l’homme et, d’autre part, en accord avec les opinions publiques.


LA SITUATION FRANCAISE

En France, la loi dite « Léonetti » (votée à l’unanimité en avril 2005) relative aux droits des patients et à la fin de vie modifie la loi datant de mars 2002. En février 2006, un décret du Conseil d’État définit les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées, prévues par la loi du 22 avril 2005.

La législation française invite à quelques commentaires : Le texte de cette loi a été rédigé et voté pour éviter deux pratiques : d'une part, pour empêcher l’euthanasie et, d'autre part, pour empêcher l'acharnement thérapeutique dans le traitement des malades en fin de vie. Il permet ainsi au patient de demander, dans un cadre défini, l'arrêt d'un traitement médical. La volonté du patient peut être exprimée directement ou par le biais de directives anticipées ou bien encore par le recours à une personne de confiance. La décision de cesser l’administration d’un traitement, lorsque le prolonger semble relever de l’ « obstination déraisonnable » doit être collégiale et ne peut être prise qu’après consultation de la « personne de confiance », de la famille, à défaut d’un de ses proches et des «directives anticipées» du patient.

Après 7 ou 8 ans d'application, cette loi de 2005 est très peu connue par la société et même peu connue par de nombreux médecins et soignants. L’étude Mort à l’hôpital, réalisée dans 200 hôpitaux français et publiée en 2008, indique que plus des deux tiers des infirmières et infirmiers déclaraient qu’ils considéraient les conditions de fin de vie des personnes qu’ils soignaient comme inacceptables pour eux-mêmes lorsqu’ils seraient en fin de vie.

- Les directives anticipées qui pourraient représenter un vrai progrès sont très rarement exprimées (1,8% des patients pour lesquels une décision de fin de vie a été prise connaissaient cette possibilité) et ne peuvent consister qu’en une demande de non recours à des traitements ou techniques de soins. La loi donne la possibilité pour tout patient de rédiger des directives anticipées sur leur traitement en fin de vie. Mais, à la différence de l’Allemagne, quand le patient est inconscient, ces directives ne sont pas contraignantes. L'appellation choisie «directives anticipées» est comme une façon de souligner l'aspect excessif et autoritaire de cette décision. L'appellation «AUTODETERMINATION» que de nombreux pays préfèrent semble bien plus adaptée pour rendre compte de la légitimité du choix de la vie de chacun.

On peut légitimement se questionner sur les causes de la quasi-inexistence des directives anticipées dans les services de cancérologie ou de soins palliatifs. Les directives anticipées sont très rarement exprimées, très peu de français connaissent cette possibilité (90% des français ne connaissent pas cette possibilité), il y aurait nécessité qu’elles soient enregistrées face à 1 personne assermentée et enregistrées avec possibilité d’être facilement actualisées et bien sûr consultées par le personnel soignant.

- La sédation profonde est largement utilisée en lieu et place du suicide assisté dans la même logique que l’utilisation fréquente des psychotropes en France Cette sédation a toute son utilité face à des douleurs temporaires et passagère mais elle ne peut être un moyen pour éviter une décision difficile à prendre. La sédation terminale est un acte de soin qui permet d’endormir profondément un patient. Mais pour aller jusqu’où ? Jusqu’à hâter la mort ? Le patient pourra-t-il se réveiller ? Aujourd’hui, le procédé est flou et son application varie selon les équipes. Dans le cas du suicide (assisté ou non) la mort est instantanée. Dans le cas de la sédation, le malade va mettre un temps plus ou moins long à mourir. La différence est donc l’agonie. Doit on penser comme les religieux et comme certains médecins sous cette influence que les hommes ont un devoir d’agonie ?

Lorsque la loi actuelle est appliquée (dans de nombreux lieux, elle ne l’est pas) il y a possibilité d’associer pleinement la personne aux décisions de soins mais pourquoi ne pas aller plus loin pour laisser décider la personne ?

- Cette loi de 2005 s’est efforcée de développer les soins palliatifs en faisant tout ce qui est possible pour atténuer les souffrances des patients en fin de vie. Une distinction nette est ainsi tracée entre le traitement médical qui peut être interrompu s'il est jugé disproportionné par rapport à l'amélioration attendue, et les soins (soins palliatifs) dont la poursuite est considérée comme essentielle pour diminuer la souffrance du patient.

Les soins palliatifs sont les soins délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d'une maladie grave, évolutive ou terminale. L’objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques, psychiques et sociale. Les soins palliatifs et l'accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s'adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution.

L'introduction des soins palliatifs en France été tardive, Une circulaire de 2002 édicte les modalités d'organisation des soins palliatifs et dans chaque département un réseau de ces soins est organisé. Cependant les médecins français « restent peu formés » et l'accès des patients à ce type de prise en charge reste très inégal.

« Si les soins palliatifs s’imposent, il serait toutefois illusoire de penser qu’ils peuvent répondre à toutes les situations de souffrance et qu’ils feront disparaître toute demande de mort volontaire. Les soins palliatifs ne dispensent donc pas du débat: conçus pour soulager les difficultés et les inconforts de la fin de vie » comme le rappelle les recommandation de la CCNE.

QUELQUES REFERENCES RELIGIEUSES et PHILOSOPHIQUES

Le suicide est un acte traditionnellement condamné par toutes les doctrines religieuses. la vie humaine étant un privilège divin, la destinée de l'homme appartient à Dieu et le suicide constitue alors une rupture dans la relation de l'homme avec la souveraineté de son Dieu.

Dans la religion bouddhiste, le premier précepte est d'empêcher la destruction de la vie, y compris la sienne, le suicide est clairement considéré comme une forme d'action négative entraînant un karma négatif.

L'église catholique condamne l'euthanasie et le suicide assisté mais encourage les soins palliatifs.

Pour ce qui concerne l’euthanasie passive, la religion catholique est contre l'interruption de l’administration de nourriture et d’eau, « moralement obligatoire » même si ceux ci sont fournis par voies artificielles à un patient en état végétatif permanent. Pour ce qui est des sédatifs, ils sont autorisés pour diminuer ou supprimer la douleur.

« Dès lors qu’il y a, pour la religion un au-delà de la vie, une autre vie, une vie éternelle, on peut dire que l’esprit de la religion est incompatible avec l’esprit de la sagesse tragique…La mort est l’événement inévitable, le seul événement à venir qui ne fasse aucun doute…On peut dire que la volonté tragique est volonté raisonnable…Cela étant, la mort doit venir non comme un événement passivement subi et venant interrompre la vie sans nécessité aucune, accidentellement, mais comme un événement qui s’intègre à la vie, appelé par le reste de la vie. La mort peut venir comme le coup de ciseau du censeur qui coupe une phrase, ou comme le dernier mot qui achève la phrase et fait qu’il y a un sens complet. Mais pour cela, il faut choisir la mort. Il faut que la mort ne vienne pas à son heure, mais à la nôtre. »

Marcel Conche (le fondement de la morale)

Le stoïcien accepte la mort volontaire rationnellement et la trouve conforme à la nature dans des situations insupportables de souffrance, de maladie, de vieillesse ou d’asservissement, lorsque la vie a perdu son sens ou lorsqu’on n’est plus en mesure d’accomplir ses devoirs sociaux. C'est la notion de conservation de la dignité qui se trouve prioritaire.
Une citation de Marcel Conche pose la question : "La théorie de la sortie raisonnable est elle si essentielle à la doctrine stoïcienne qu'on ne puisse, sans elle, concevoir le stoïcisme?".
Dans la Rôme antique, ce type de mort volontaire, appelé suicide philosophique, est considéré comme «un acte de la plus haute vertu», «un droit exclusif du sage», «un droit, un devoir envers lui-même».
Plus tard, le stoïcisme tient sur le suicide à peu près le même langage en décrivant les conditions qui peuvent conduire légitimement au suicide : l’assujettissement à autrui, l’assujettissement de l’homme à ses propres vice, le dénuement matériel total, la dégradation de la vieillesse, la maladie.

A sujet du suicide, Epicure fait preuve d'un grand ascétisme : "Maintenant habitue-toi à la pensée que la mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation et la mort est absence de sensation". Mais le suicide n'était pas contraire à la doctrine épicurienne, le sage peut toujours, à l'exemple d'Epicure, "contre-battre" la douleur par la joie, celle surtout que donne le souvenir des moments heureux ; c'est à celui qui ne le peut qu'il est permis, ou conseillé, de quitter volontairement la vie et de choisir la non souffrance.

LES POINTS DE VUE CONTEMPORAINS

Depuis trente-trois ans, l’association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) milite pour que chaque Française et chaque Français puisse choisir les conditions de sa propre fin de vie. Conformément à ses conceptions personnelles de dignité et de liberté. Dans cette perspective, l’ADMD entend obtenir qu’une loi visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté et à assurer un accès universel aux soins palliatifs soit votée par le Parlement. L’ADMD, également, met en oeuvre un fichier national des directives anticipées. Ces directives prévues par la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, sont numérisées et archivées. Ce document est aujourd’hui le meilleur moyen de garantir son propre parcours de fin de vie.

S'appuyant sur l'évolution de l'opinion publique (sondage IFOP de 2012, 84 % des français seraient en faveur de l’euthanasie), François Hollande s'est engagé lors de la campagne de l'élection présidentielle de 2012 (proposition n°21). « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité».

Aujourd’hui, l’Ordre des médecins reconnaît officiellement que la loi Leonetti sur la fin de vie, mal connue de tous y compris des professionnels « peut n’offrir aucune solution pour certaines agonies prolongées ou pour des douleurs psychologiques et/ou physiques qui, malgré les moyens mis en œuvre, restent incontrôlables » et « ces situations ne peuvent rester sans réponse ».les médecins sont favorables à l’euthanasie (60% selon le sondage Ipsos /Conseil national de l’Ordre des médecins de janvier 2013).

Après l'élection présidentielle, François Hollande a demandé en juillet 2012 la rédaction d'un rapport qui a été confiée au professeur Sicard. En décembre 2012 le Président a pris acte du constat établi par le rapport Sicard. Ce rapport souligne certaines carences de la législation actuelle. Malgré les apports indéniables de la loi Léonetti, la législation en vigueur ne permet pas de répondre à l’ensemble des préoccupations légitimes exprimées par des personnes atteintes de maladies graves et incurables. Mais ce rapport ne préconise pas la reconnaissance de l'euthanasie mais rappelle en revanche la possibilité de la sédation profonde, déjà présente dans la loi Leonetti (administration de morphine ou un sédatif à très forte dose, quitte à ce que cette intervention aboutisse à une mort plus rapide). Enfin, le rapport n'écarte pas une évolution concernant l'assistance au suicide, assortie de réserves. A la différence de l'euthanasie active, c'est le patient qui absorbe un produit mortel, et non le médecin qui lui injecte. Si elle ne peut être "une solution proposée comme une alternative" à l’absence de soins palliatifs et d’accompagnement, l'assistance au suicide peut permettre à certains malades en phase terminale qui le souhaitent de "disposer d’un recours ultime", dit la mission. Le texte propose également de renforcer les directives anticipées - c'est-à-dire la possibilité pour chacun de prévoir ce qu'il souhaite pour sa fin de vie - en formalisant par décret la procédure de recueil, et de créer un fichier national informatisé.

Le Président de la République a donc décidé de saisir le Comité Consultatif National d’Ethique, afin que celui-ci puisse se prononcer sur les trois pistes d’évolution de la législation ouvertes par le rapport Sicard :

1) Comment et dans quelles conditions recueillir et appliquer des directives anticipées émises par une personne en pleine santé ou à l’annonce d’une maladie grave, concernant la fin de sa vie ?

2) Selon quelles modalités et conditions strictes permettre à un malade conscient et autonome, atteint d’une maladie grave et incurable, d’être accompagné et assisté dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie ?

3) Comment rendre plus dignes les derniers moments d’un patient dont les traitements ont été interrompus à la suite d’une décision prise à la demande de la personne ou de sa famille ou par les soignants ?

Une réserve d'importance est à noter par rapport à ces commissions, les avis majoritaires de la population et des médecins ne semblent pas représentés significativement. Une surreprésentation des religieux et des mandarins médicaux et l'absence de la principale association ADMD (plus de 50 000 membres en France) semblent bloquer toute réforme vraiment novatrice.

Un projet de loi devrait être présenté bientôt au Parlement.

LES PRECONISATIONS

Maîtriser sa vie et échapper aux déterminismes religieux, sociaux et familiaux est une logique de l’émancipation contemporaine. La priorité est de laisser décider la personne (et non pas seulement « d’associer pleinement la personne » comme le rapport du CCNE le conseille) à tous les processus de décision concernant sa vie mais aussi de sa fin de vie.

Les soins palliatifs largement demandés par les malades et surtout par les familles sont insuffisamment présents dans les services concernés. L'absence de ces soins palliatifs lors de certaines hospitalisations à domicile font connaître des situations parfaitement inacceptables pour les personnes en fin de vie. Il est urgent de rendre les soins palliatifs accessibles à tous.

Aujourd’hui, les directives anticipées ont un rôle quasiment inexistant alors qu’elles devraient être l’élément principal de la loi et de la pratique. Ces directives anticipées n’ont actuellement pas de valeur contraignante et aucun formalisme particulier n’entoure leur recueil et leur conservation. Puisque énoncer et recueillir des directives anticipées n’est pas simple : il s’agit en effet, pour la personne malade d’être confrontée au pire. Il y a donc lieu de procéder autrement et à un autre moment. L’autodétermination pourrait s'exprimer dès la majorité. Ce moment pour réfléchir sur sa fin de vie peut s'entendre comme un seuil symbolique pour clore l'adolescence et donner au jeune adulte une responsabilité substantielle qui le ferait entrer dans la vie adulte. Cette autodétermination devrait bien sûr pouvoir s'actualiser et se compléter progressivement au fil de la vie avec bien sûr le droit de changer d'avis jusqu'au bout. L'état doit pouvoir vérifier l'authenticité de cette libre autodétermination puis en assurer le stockage (fichier national sécurisé) et l'accès aux services médicaux concernés.

L’utilisation de cette autodétermination doit pouvoir s'élargir et devenir souveraine. Actuellement, les directives anticipées sont laissées à la libre décision médicale sans caractère contraignant.

Sur le modèle des directives anticipées, le fichier des autodéterminations personnelles concernerait les autorisations où les refus des traitements curatifs, palliatifs ainsi que l'euthanasie passive (arrêt de l'alimentation et de l'hydratation). Cette nouvelle loi pourra également inclure dans ces décisions le suicide assisté pour ceux qui le décideront en toute liberté.

Face à cette légifération difficile, il est nécessaire d‘organiser un véritable débat public national sur les conditions de soins et d'assistance de la fin de vie. Ce débat permettra d'une part d'informer le grand public sur cette question largement méconnue et d'autre part d'évaluer plus précisément le contour d'une loi nouvelle adaptée au monde contemporain.

Gérard Vignaux (août 2013)