L'évolution des moeurs et l'éthique
contemporaine ---------------------
La
civilisation grecque a
permis une large palette de possibilités de vivre sa sexualité,
polygamie,
monogamie, célibat. Il était socialement normal et habituel de
pratiquer la
bisexualité et c'est la préférence à un seul sexe moins courante qui
était davantage
remarquée. Les hommes mariés pouvaient donc courtiser les jeunes hommes
et
avoir des relations sexuelles avec eux sans que la société n'en soit
outragée.
Des relations que l'on peut qualifier de pédophiles faisaient partie de
l'éducation des adolescents qui étaient confiés à un Maître-éducateur.
Les
sagesses des écoles philosophiques apportent une recommandation commune
sur ce
point : prendre garde aux passions, l'opposition entre passion et
raison
est largement développée et le danger de
tomber esclave de ses passions est souvent souligné. Dans la Rome
antique, en
dehors de l'homosexualité très présente et librement acceptée, des
règles régissent le couple.
L'autorisation du père puis
la célébration des fiançailles
sont nécessaires avant le mariage acceptable à partir de l'âge de 12
ans. Mais
lorsqu'une femme passe une année entière chez un homme sans s'absenter
3 nuits,
elle tombe sous sa coupe, la demeure de l'homme est devenue la demeure
conjugale, c'est un mariage tacite sans noces et sans cérémonie. D'une
façon
assez générale, la femme sans dot est sous la domination de son mari
mais celle
qui possède une fortune peut tyranniser son époux. Globalement, peu
d'interdits
limitent la jouissance sexuelle, ainsi nombreuses sont les femmes
romaines qui
célèbrent des cultes, lesquels donnent lieu à des orgies sexuelles. Les évangiles
ne prônent pas
encore la monogamie, c'est essentiellement de Paul de Tarse que
viendront les
premières directives précises : « Le mariage est un remède à
la
concupiscence », mais « le mariage est inférieur à la
virginité »
et « celui qui épouse sa fiancée fait bien, mais celui qui ne
l'épouse pas
fera mieux encore » . Dans cette hiérarchisation des valeurs,
l'abstinence
est le plus haut degré et la liberté sexuelle avec la multiplication
des
partenaires en est le plus bas degré et donc le plus interdit. L'église
tente
de limiter la sexualité au minimum nécessaire à la reproduction, la
sensualité
étant complètement bannie. La logique du Dieu unique (un seul tu
aimeras) et de
la transcendance est de canaliser la pratique sexuelle et de la
sublimer au
profil de l'admiration pour le seigneur au détriment de l'intérêt et de
l'admiration
envers le partenaire ou le conjoint qui apporte la jouissance. Malgré les
efforts de
l'église, la polygamie, le concubinage, les mariages secrets, les
rapts, les
divorces, les remariages sont nombreux.
Durant le moyen âge, le mariage n'est pas si courant pour le peuple.
Chacun vit
selon les opportunités souvent pour des relations courtes. La
sensualité est
officiellement dénigrée, voire interdite. Progressivement,
le mariage
peut s'associer à l'amour, le libre consentement des époux et l'union
charnelle
deviennent des valeurs fondamentales du mariage. A la fin du moyen âge,
le
désir d'épargner, de constituer un patrimoine apporte une motivation
supplémentaire pour constituer un couple. Les célibataires deviennent
dénigrés
et moins nombreux au 18e siècle. La révolution
française
reprend les idées des philosophes du grand siècle « des
lumières ».
Ces idées sont spontanément reprises par les révolutionnaires en
opposition
avec les valeurs chrétiennes de la monarchie. Rapidement, ces nouvelles
idées
sont traduites dans les lois. Le mariage
civil devient séparé du mariage religieux et le divorce est
officiellement
possible dans des conditions faciles et rapides. La restauration de la
monarchie implique un retour aux valeurs de l'ancien régime et le 19e
siècle
verra donc une alternance avant de reprendre une progression vers une
libéralisation officielle des moeurs. La
laïcité qui distingue le pouvoir politique des organisations
religieuses
chemine chez les intellectuels et c'est la France qui sera le creuset
de cette
nouvelle valeur fondamentale aboutissant aux loi de 1905. Cette valeur
repose
sur l'idée de la reconnaissance des religions et des idées
philosophiques dans
le domaine exclusif de la conscience individuelle et à la liberté
d'opinion. La
laïcité aura un impact conséquent sur les moeurs, elle permettra des
reconnaissances morales diversifiées, une superposition de références
s'éloignant progressivement d'un schéma unique et conformiste de pensée. Un chamboulement des
valeurs traditionnelles Après la 2e
guerre mondiale,
la présence américaine suite au débarquement puis, quelques années plus
tard,
l'essor économique en France, apportent des modèles radicalement
différents. On
assiste à des changements spectaculaires (la musique, les vêtements, la
culture,
les transports), la transition est rapide et profonde. Les
événements de mai 68 qui
ne durèrent que quelques semaines, cristallisèrent ces changements.
Cette
révolte joyeuse, créative apporta une énergie et un optimisme immense.
La
fraternité qui éclatait spontanément dans les rues, dans les longues et
fréquentes assemblées générales, dynamitait l'ordre établi et
dynamisait des
idées nouvelles. Les domaines de la politique, de la culture, de la vie
sociale
et des moeurs étaient directement impactés par les événements. Des
slogans
comme « Il est interdit d'interdire », « Jouissez sans
entraves » étaient dirigés contre la société traditionnelle. Les
participants se permettaient de prôner des
valeurs inédites de non-violence,
d'amour libre et de fraternisation qui seront déclinées ensuite de
multiples
façons . Les
spécialistes s'accordent
pour dater l'apogée de ces changements de comportements au milieu des
années
70. Cela recouvre les changements des moeurs sexuels intervenus non
seulement
en France mais de concert dans les pays occidentaux. Ce mouvement est
essentiellement marqué par l'émancipation sexuelle des femmes,
l'affirmation de
l'égalité des sexes et la recherche d'une sexualité ne se limitant pas
à la
procréation et n'étant pas réservée à la vie conjugale. Certes, de tous
temps,
des libertins s'affranchissaient des règles sociales mais ces idées
n'avaient
pas de reconnaissances officielles et les conditions de vie ne
permettaient pas
un épanouissement de ces pratiques. Cette
évolution fut rapide
grâce à la conjonction de plusieurs éléments : Commencé pendant les événements de mai 68,
le débat concernant l'éducation va se poursuivre activement dans les
familles,
dans les écoles, de la maternelle jusqu'à l'université. La prise en
compte de
la parole de l'enfant et la remise en cause de l'autorité ouvrent la
porte à
une éducation nouvelle dont les conséquences seront innombrables dans
la
structuration de la société.
L'émergence
d'une éthique et des valeurs
nouvelles Et
maintenant, loin de la misère économique et culturelle que l'on observe
dans
certains quartiers de banlieue (les cités), une nouvelle génération
active,
celle d’une partie des jeunes adultes de ce début du 21e siècle se
trouve dans
une situation bien différente. Certes
encore minoritaire en France, cette
classe sociale en plein essor regroupe des jeunes cadres diplômés,
des
artistes, des intermittents du spectacle, des enseignants, des
professions
libérales et sont rejoints par de plus en plus de jeunes moins chanceux
qui
souhaitent devenir maître de leur destin. Les
moyens de communication, grâce au tout
numérique, ont décuplé. Ces jeunes adultes peuvent communiquer
intensément ,
n'importe où, n'importe quand. La situation économique difficile
demande des
positionnements originaux et les idéaux traditionnels n'occupent plus
leur rôle
nécessaire à l'épanouissement de tout un chacun. Ces conditions
inédites
forgent des comportements, une éthique et des valeurs inconnues
jusqu'alors. Des
liens nombreux, intenses et spontanés se
créent grâce au développement des
réseaux
sociaux sur internet d'une part, mais aussi grâce à la multiplication
des
activités culturelles, associatives et sportives qui facilitent les
échanges.
Chaque soir et à chaque « brunch » du week-end, les terrasses
de
cafés sont des lieux de regroupement et de discussions intenses. Les
terrasses
modernes et chauffées, telles des ruches effervescentes, sont bondées
une
grande partie de l'année. - La
nécessité : ces jeunes adultes transplantés
dans un environnement nouveau recherchent les conseils, les
recommandations
de ceux préalablement installés ;
les expériences échangées s'avèrent bien utiles pour réussir à se loger
et à
commencer une vie professionnelle satisfaisante. - La
disponibilité : la vie de couple est moins
systématique et commence plus tardivement, les couples existants sont
par
ailleurs confrontés aux nombres grandissant de séparations et de
divorces. Les maternités ont lieu plus
tardivement. Le
célibat offre plus de facilités pour libérer ses soirées et ses week-end. - Le
plaisir : la société hédoniste est
l'expression fréquemment utilisée pour désigner la société
contemporaine. Le
plaisir immédiat est privilégié par manque d'espérance en l'avenir,
l'ampleur
des crises économiques n'y est pas étrangère. Le plaisir du lien amical
célébré
par la plupart des philosophes grecs
reprend de la vigueur, il est même souvent entendu l'expression
« sex
friends » qui permet le plaisir sexuel en garantissant une large
liberté.
L’hédonisme égocentrique de certains marginaux du showbiz ou de la finance en
couverture des magazines n’est heureusement pas si général et
l’altruisme et la
solidarité sont des vertus reconnues par
le plus grand nombre. Le
civisme renaît sur de nouvelles bases, il n’est plus dans la culture de
la
grandeur de la nation mais prend son sens dans l’aide aux plus démunis,
aux
enfants du tiers monde, aux réfugiés, il gagne ainsi en popularité. Au quotidien, des comportements nouveaux
apparaissent, ainsi celui qui ne trie pas ses ordures pour le recyclage
ou
gaspille l’énergie est considéré comme
dénué de sens civique. On
assiste à une réconciliation entre le plaisir, la raison, la solidarité
et la
créativité pour trouver un équilibre de vie et donc la création d’un
vrai code
social visant à réguler les sens
d’une
façon nouvelle.
Cette éthique
intègre les
éléments basiques des civilisations : grecque, romaine, orientale,
extrême
orientale, chinoise, en y associant les réflexions les plus actuelles.
Nos
contemporains construisent un système de valeurs et une éthique moins
dogmatiques et largement moins fixés par la tradition. Cette évolution
est plus
présente au nord sous l’influence anglo-saxonne mais les réseaux
sociaux
propagent rapidement ces nouveaux comportements plus au sud. Ce
« patchwork » de
valeurs superposées, juxtaposées semble permettre des mœurs moins rudes
et
s’active à vouloir intégrer les désirs et les contraintes de notre
temps. Cette observation amène l’optimisme
bien
utile par ces temps de crise tels que nous
les vivons. C’est une époque charnière et nous
sortirons de cette
crise bien différents de ce que nous étions au paravent.
Bibliographie : - Dictionnaire d’éthique et de philosophie
morale Monique
CANTO-SPERBER (2 tomes PUF) - La philosophie morale Monique
CANTO-SPERBER et Ruwen OGIEN - L’idéal du moi (essai
sur
la maladie de l’idéalité) Janine
CHASSEGUET-SMIRGEL éditions universitaires - Petit traité des grandes vertus André COMTE-SPONVILLE - Vie et mort des idéologies
François DUPARC revue française de psychanalyse PUF - La morale sexuelle « civilisée » – dans la vie sexuelle-
Sigmund FREUD PUF - L’éthique aujourd’hui – maximalistes et
minimalistes- Ruwen OGIEN Folio
essais - La morale a-t-elle un avenir
Ruwen OGIEN Pleins feux - la pensée éthique contemporaine Jacqueline
RUSS et Clotilde
LEGUIL - Questions d’éthique contemporaine sous la
direction de Ludivine
THIAW-PO-UNE |