Un code d'éthique politique ---------------------
Nous
assistons, depuis quelque temps, à une « déferlante éthique » :
on débat sur la « bioéthique », les professions (architectes,
chirurgiens-dentistes, médecins, policiers, sages-femmes,
vétérinaires, pharmaciens...) se dotent de « codes de déontologie
», même les entreprises privées édictent des « chartes éthiques
» ; on peut citer, par exemple, la charte éthique d'Auchan qui
indique qu'il ne faut pas « accepter les cadeaux d’un fournisseur,
à titre personnel » et que les déjeuners offerts « ne peuvent
être qu’exceptionnels, après accord de la hiérarchie ».
Aujourd'hui, chaque secteur, chaque filière, chaque profession
réclame une moralisation nouvelle. Ce besoin s'explique par
l'évolution rapide de la société qui se trouve face à des règles
morales désuètes et inadaptées à la vie contemporaine. Cette situation paradoxale est décalée avec l'attente du public, chaque nouvelle affaire mettant en cause des ministres ou des élus accentue la méfiance voire le désintérêt des électeurs vis-à-vis du monde politique. La dignité et la vertu d'un homme politique est pourtant une priorité pour l'ensemble d'une nation, cette probité est un exemple fondamental pour le bon fonctionnement d'un système politique. L'exemplarité permet l'identification et l'adhésion aux actions des leaders politiques, elle construit une fraternité positive tout spécialement sur la jeunesse qui autrement se trouve démotivée. Le risque de ne pas posséder d'idéal est un risque considérable qui apporte le désoeuvrement et conduit au nihilisme. Les sondages d’opinion relatent élections après élections le délabrement de la confiance des Français dans leurs élus. A ce titre, le Sénat et l’Assemblée nationale font figure de mauvais exemples tant en terme de privilèges que sur le plan de certains égarements largement relayés par les médias. Les mouvements pluriels des indignés est une posture morale. Sans proposer de solutions concrètes, ces mouvements de révolte manifestent contre des pratiques inacceptables. L'affirmation qui s'en dégage est « Nous ne voulons plus de cela, plus jamais, c'est indigne de la personne humaine ». Ces témoignages sont émouvants, ils éclatent spontanément dans beaucoup de capitales occidentales. La nécessité d'une meilleure confiance envers les hommes politiques est partout perceptible. Aussi, est-il légitime de s’interroger : comment réconcilier l'éthique et la politique ? Et quelles sont les différentes options que nous pouvons mettre en oeuvre pour rendre plus éthique la vie politique : La loi actuelle est insuffisante sur de nombreux points :
Pourquoi ne pas également ouvrir aux citoyens la possibilité de suivre les délibérations de la questure, de donner leur avis sur certains textes, voire prendre d’autres mesures, symboliques mais néanmoins utiles, pour progresser vers une démocratie plus collaborative avec les élus?
Mal
appliquées, nombre de lois sont votées en bonne et dûe forme avec
les effets d'annonces démagogiques qui les accompagnent mais ne sont
jamais mises en application (les décrets d'application ne sortent
jamais). D'autre part, les tribunaux n'ont pas les moyens suffisants
pour appliquer la loi. Nous voyons ces dernières années que
quantité d'affaires graves n'aboutissent pas à des condamnations.
Suite à des pressions des cabinets ministériels sur les magistrats
ou bien suite à des désaisissements de dossier d'un tribunal au
profit d'un autre tribunal « plus indulgent » ou bien
encore de la lenteur de la justice qui attend que les « mis en
examen » soient âgés et deviennent intouchables. D'ailleurs,
la France est régulièrement condamnée par la Cour Européenne des
Droits de l'Homme pour la durée excessive de ses procès. Ainsi les
affaires de corruption de rétro-commissions d'emplois fictifs, de
subvention des partis politiques illégaux par mallettes de billets
n'aboutissent que très rarement. D'autre part, la loi ne peut pas tout réglementer et on peut très bien susciter un comportement déterminé sans recourir à la Loi. Les partis politiques peuvent impulser des idéaux dans le domaine de l'éthique de leurs élus. Chaque parti politique est porteur de valeurs qui symbolisent son orientation ; ainsi, certains sont progressistes et prônent une meilleure justice sociale, d'autres sont attachés aux traditions ou bien d'autres encore fervents supporters du libéralisme économique ou du nationalisme. De cette façon, les partis politiques peuvent oeuvrer en définissant et en mettant en place des règles de fonctionnement régissant leurs membres plus contraignantes que les lois existantes. Dans cette direction, plusieurs partis semblent s'orienter mais encore timidement. La popularité de ces partis pourrait s'accroitre en reconnaissance de leur éthique partisane. Un exemple, la circulaire de Michel ROCARD du 25 mai 1998 constituait un véritable code de bonne conduite destiné aux membres du gouvernement. Elle contenait des préceptes très intéressants : il faut « élaguer les dispositifs juridiques de leurs règles désuètes ou inutilement contraignantes » (faire des lois claires et nécessaires), il convient de préférer « le constat de l'action à l'annonce de l'intention » (refus des effets d'annonce), la désignation des titulaires d'emplois publics doit se faire « sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » (refus du « spoils system »). Depuis cette circulaire, plus rien. Sous un autre angle, l'éthique personnelle de chacun, variant par la nature et la qualité de son éducation, de sa culture, de ses croyances religieuses ou philosophiques, personnalise chaque élu. Ainsi, le respect de la parole donnée, la dignité, le respect de la vie humaine, le respect de la nature, sont des vertus qu'il est bon de connaître et d'évaluer au moment des choix individuels des candidats aux élections. Il est toujours choquant d’entendre des élus dire qu'il faut « aller rencontrer les gens dans les cages d'escalier ». Cela veut dire quoi ? Que certains élus sont obligés de faire un effort pour rencontrer des citoyens ? Qu'ils habitent dans un endroit isolé et que, de temps en temps, ils vont faire une sorte de « safari électoral » pour voir à quoi ressemblent les citoyens (surtout quand ces mêmes citoyens vont prochainement devenir des électeurs) ? On sait où cela nous conduit : à avoir des députés qui ignorent le prix d'une baguette de pain, un Président de la République qui n'a jamais entendu parler de la souris d'un ordinateur… Bref : cela nous donne des élus qui sont de véritables extraterrestres !
Il
est imaginable qu'un code d'éthique politique se constitue et soit
ratifié individuellement par des élus ou collectivement par
certaines familles politiques.
Force
est de constater que l'on arrive quelquefois à imposer des
comportements sans loi et, paradoxalement, avec plus d'efficacité
que s'il y en avait une.
Jean-Christophe
Picard, Gérard Vignaux (octobre 2011)
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